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Femme de détenu : un quotidien mené en parallèle de la prison

Avant d’entrer en prison pour visiter un proche et accéder aux parloirs qui permettent aux détenus de profiter d’une bouffée d’air frais, une file d’attente se forme peu avant l’heure d’ouverture des portes des établissements pénitentiaires. Majoritaires, les femmes de détenus sont reconnaissables. Elles sont généralement apprêtées, souriantes et pressées d’entrer pour retrouver leur conjoint écroué. Malgré la situation, elles restent fortes, non pas par choix, mais pour rassurer leurs partenaires qui, derrière les grillages, ont plus que jamais besoin de leur soutien. Lumière sur le quotidien de ces femmes mené en parallèle de la prison.

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Les femmes de détenus condamnées à d’autres types de peines

« Lorsque ton homme est en prison, tu es toi aussi malgré toi incarcérée », explique Éva. Femme de détenue depuis maintenant 8 mois, cette jeune femme de 27 ans, maman d’un petit garçon de 4 ans, raconte la larme à l’œil comment un beau matin, la police est venue perquisitionner son domicile à la recherche de stupéfiants. « Aux yeux de la justice, de mes amies et de ma famille, je suis autant coupable que mon conjoint et depuis son entrée en prison, je subis depuis l’extérieur la même condamnation ».

Le regard des autres et l’incompréhension des familles des femmes de détenus

Si Éva peut compter sur le soutien de sa maman et de ses sœurs, ce n’est pas le cas de toutes les femmes de détenus. Souvent stigmatisées, rarement comprises, ces guerrières qui luttent et ne baissent jamais les bras face à des peines de prison parfois très longues sont nombreuses à avoir rompu les liens familiaux après l’incarcération de leur conjoint.

Lola, par exemple, explique que depuis que son conjoint a récidivé et a de nouveau été écroué à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas, ses proches ne lui adressent plus la parole. Pire encore, les parents de la jeune femme de 31 ans ont tenté de la séparer de l’homme avec qui elle a vécu durant les 8 dernières années par pur chantage affectif. Pour cette habituée des parloirs (Anthony avait déjà été condamné deux fois auparavant), l’amour a triomphé sur les liens du sang.

Le manque de considération de la part des surveillants pénitentiaires

« Ce qui est difficile lorsqu’on est femme de détenu, c’est cette impression constante d’être coupable d’un crime lorsqu’on rend visite à son conjoint au parloir » reprend Éva. Chaque semaine, cette femme dévouée à son époux incarcéré à la maison d’arrêt de Moulins-Yzeure se heurte à la suspicion des surveillants, qui regardent systématiquement de haut les proches de détenus.

« Que tu viennes de très loin avec des enfants en bas âge pour passer quelques minutes avec un proche en prison ne change rien aux règles strictes appliquées par les matons, si tu fais sonner le portique 3 fois, tu es raccompagné sans ménagement à la porte sans avoir pu accéder au parloir ». Le manque de considération et d’empathie des surveillants pénitentiaires est une conséquence de plus de l’incarcération d’un conjoint

La solitude et l’isolement après l’incarcération

« Quand la personne avec qui tu vis depuis des années entre soudainement en prison, tu as l’impression que le monde s’écroule sur ta tête et tu traverses une période similaire au deuil ». « La maison est vide tout à coup et tu ne penses plus qu’à en sortir pour ne pas subir de plein fouet ce vide immense. » Les femmes de détenues sont unanimes, la solitude et le vide sont difficiles à vivre quand un conjoint est placé en détention.

« Après, tu as tout de suite tendance à t’isoler, parce que tes copines ne te comprennent plus. Quand elles prévoient des sorties en boîte de nuit, tu penses à préparer assez de linge pour la semaine à ton conjoint condamné et elles sont nombreuses à me demander pourquoi j’accepte de rester ». Les femmes de détenu n’ont subitement plus les mêmes priorités que leurs proches et cela a tendance à favoriser leur isolement. Pour garder le moral et éviter des idées noires, elles vont parfois jusqu’à fuir leurs amis, notamment à cause de leur incompréhension et de la honte qu’elles sont malgré l’amour nombreuses à ressentir.   

Le quotidien des femmes de détenus rythmé par certaines obligations carcérales

Avoir un mari en prison, c’est adapter sa façon de vivre aux obligations de l’univers carcéral. Les femmes de détenus jonglent continuellement entre jugements, parloirs, gestion du linge sale, envoi de virements vers la prison. Lorsque ces règles s’ajoutent à l’éducation des enfants et une vie professionnelle, il est particulièrement difficile de tout mener de front, sans jamais rien laisser paraître pour rassurer le compagnon écroué.

Adapter son quotidien à la prison

Pour adapter son quotidien à la prison, Carole, 32 ans et assistante de direction explique qu’elle a préféré mentir à son employeur plutôt que de lui dire la vérité au sujet de de l’incarcération de son conjoint. Pour pouvoir partir plus tôt le mercredi, jour des parloirs hebdomadaires à Fleury-Merogis où son compagnon purge une peine de 24 mois, cette dernière a expliqué devoir s’occuper d’un parent malade.

Nora, elle, a la chance de pouvoir visiter jusqu’à deux fois par semaine son compagnon, car la prison au sein de laquelle il est écroué se trouve à proximité de son domicile. Cela n’enlève rien au fait qu’elle doit ajouter à son emploi du temps déjà bien chargé par l’éducation de ses 2 enfants la gestion du linge de son conjoint et regorger d’inventivité pour tenir un mois entier avec ses seules allocations chômage. 

Des heures passées dans les transports pour visiter un conjoint incarcéré

Certaines femmes de détenus n’ont pas la chance de Nora. C’est notamment le cas de Lola, dont le conjoint est incarcéré dans la banlieue lyonnaise. « Je vis à Dijon et je dois chaque samedi partir très tôt pour ne pas risquer de manquer l’heure du parloir ». Chaque semaine, cette dernière passe environ 6 heures dans les transports pour espérer voir son conjoint écroué pendant une heure. Des milliers de femmes sont dans cette situation et bon nombre d’entre elles se sont déjà heurtées à un refus de présentation au parloir, car elles avaient manqué l’appel de quelques minutes seulement.

Des femmes de détenues qui n’ont pas le droit à l’erreur

« Quand on est femme de détenue, on n’a pas le droit à l’erreur. Comme on est la femme d’un homme qui a commis un crime, on est forcément vu de la même façon qu’eux par les matons. Alors, essayer de déjouer les règles pour améliorer le quotidien de nos hommes en faisant passer des cartes SIM ou un bout de shit au parloir, c’est dangereux parce que les surveillants épient tous nos faits et gestes. » Confie Éva.

Elle explique aussi que présenter du linge propre dans un sac cabas qui n’est pas conforme ou intégrer par erreur un tee-shirt de la mauvaise couleur peut donner lieu à un refus du sac, et qu’elle a à plusieurs reprises dû repartir avec l’intégralité des effets préparés avec soin pour son conjoint pour des motifs mineurs. « En prison, les hommes se raccrochent à peu de choses pour tenir le coup.

Si ne pas recevoir le DVD demandé le jour promis peut paraître anodin depuis l’extérieur, quand un détenu attend plusieurs jours pour recevoir ses effets personnels et qu’ils n’arrivent finalement pas, la déception est grande ».

Des difficultés que les femmes de détenus subissent en silence

Devant l’entrée du parloir de la maison d’arrêt Moulins-Yzeure, où les femmes de détenus sont largement majoritaires et se pressent pour voir enfin leur conjoint, ce ne sont pas des veuves éplorées qui échangent entre elles, mais des femmes fortes, qui sourient et attendent avec impatience l’ouverture des portes de l’établissement pénitentiaire.

Lorsque je m’attendais à me heurter à de la tristesse et à la honte, je tombe finalement nez à nez avec des femmes de tout âge qui rient et échangent des banalités comme si elles rendaient visite à un proche dans un lieu parfaitement normal.

Un devoir de soutien moral pour le conjoint incarcéré

« Quand ton conjoint est incarcéré, tu dois garder la tête haute à tout prix, surtout au parloir. Lui montrer tes difficultés alors qu’il n’est pas en mesure de t’aider depuis la prison, c’est le faire sombrer avec toi » déclare Lola. Selon cette femme de détenu, il faut protéger celui qui subit une période de détention en lui parlant uniquement du positif et en taisant les problèmes quotidiens.

Conscientes de ce devoir de soutien moral, les femmes sont nombreuses à garder le silence sur les conséquences de l’arrestation de leur conjoint.

Des repas sautés pour permettre aux détenus de cantiner

Pour que leur compagnon puisse vivre une période de détention plus confortable, les femmes de détenus sont nombreuses à leur envoyer de l’argent chaque mois. « Pour que mon homme puisse cantiner de quoi fumer des cigarettes et manger autre chose que la gamelle servie par la prison, je lui envoie chaque semaine 100 €. C’est un quart de mes revenus mensuels qui s’envolent chaque mois et avec mon fils à nourrir et le loyer à assurer désormais seule, il m’arrive souvent de sauter des repas ».

Loin d’évoquer sa situation financière avec son conjoint incarcéré, elle préfère garder pour elle le fait qu’elle doive parfois réclamer de l’argent à ses parents pour pouvoir continuer à alimenter le compte nominatif personnel de l’homme qu’elle aime.

Rester forte, un devoir lorsqu’on est femme de détenu

Vous l’aurez compris, les femmes de détenus doivent rester fortes en toute circonstance pendant la durée de la condamnation de leur conjoint. Si on pouvait croire que ces dernières sont autorisées à lâcher prise auprès de leur entourage une fois l’épreuve du parloir passé, il n’en est rien pour Carole qui doit faire face à cette épreuve seule.

« Se plaindre de ma situation vers le peu d’entourage informé de l’incarcération de mon conjoint reviendrait à tendre le bâton pour se faire battre. » Lorsqu’elle ose évoquer son quotidien difficile, la jeune trentenaire se heurte systématiquement à l’incompréhension et à des remarques telles que « tu l’auras voulu ».

L’amour au parloir et le manque d’intimité

Une à plusieurs fois par semaine, les femmes de détenus accèdent pendant 45 minutes à 1h30 aux parloirs qui leur permettent enfin de retrouver leur conjoint. Cette bouffée d’air leur permet d’informer les hommes condamnés de ce qui se passe à l’extérieur et de faire le plein d’affection avant de devoir à nouveau se retrouver seules.

Néanmoins, le manque d’intimité dû aux rondes régulières des surveillants qui jettent un œil par la vitre pour s’assurer que chacun est en sécurité laisse un goût amer à celles qui doivent parfois ruser pour obtenir un peu plus d’amour de la part de leur conjoint écroué.

Le sexe au parloir, un tabou rapidement levé entre femmes de détenus

Car s’il est tabou dans notre société, le sexe au parloir ne l’est pas entre femmes de détenus. À l’entrée des parloirs, les femmes se conseillent entre elles sur la cabine la plus éloignée du poste des surveillants et donc la plus propice à un moment d’intimité, ou sur les manières d’opérer pour offrir à un conjoint écroué quelques moments tendres malgré l’omniprésence des gardiens.

Malgré le fait qu’elles risquent de se voir interdites de visites pendant plusieurs mois, les épouses tiennent à leur vie de couple et sont toujours coquettes le jour des visites. Certaines tentent même d’enfanter durant cette brève entrevue et chaque année, des milliers d’enfants voient le jour et sont affectivement ou tragiquement surnommés « bébés parloirs ».

Des femmes de détenus qui s’entraident devant les établissements pénitentiaires

À l’entrée de la maison d’arrêt Moulins-Yzeure, les femmes de détenus habituées aux lieux orientent les nouvelles arrivées et indiquent volontiers à celles qui visitent un conjoint écroué pour la première fois comment procéder. Entre elles, ces dernières se montrent solidaires et il n’est pas rare de voir de nouvelles amitiés se nouer malgré les circonstances.

« Lorsque je me suis présentée pour la première fois au parloir de la maison d’arrêt de Saint-Quentin-Fallavier, j’étais complètement perdue, mais j’ai heureusement pu compter sur l’accueil et le soutien d’autres femmes de détenus pour vivre ce moment stressant plus sereinement », explique Elsa.

Des visites express qui s’achèvent par des larmes

À la sortie du parloir, changement d’ambiance. Les femmes de détenues ont les yeux qui brillent d’avoir pu passer une heure avec l’homme qu’elles attendent, mais retiennent pour la plupart leurs larmes. Un sac de linge sale à la main, elles échangent encore quelques banalités entre elles, prennent un café à l’accueil des familles de la prison puis repartent, en attendant impatiemment la semaine prochaine, où elles pourront de nouveau retourner visiter leur partenaire écroué.

Des communautés créées sur les réseaux sociaux pour discuter entre femmes de détenus

Pour s’entraider lorsqu’elles se sentent incomprises, les femmes de détenus sont nombreuses à avoir rejoint des groupes de solidarité qui émergent sur les réseaux sociaux ou des forums dédiés à la vie carcérale. Ici, elles se remontent le moral, se soutiennent et échangent des informations au sujet de procédures judiciaires ou de démarches en lien avec la prison.

Certaines deviennent amies et d’autres se contentent d’aider celles qui rencontrent des difficultés grâce à une plus grande expérience de la prison. Ces échanges sont importants pour celles qui se sentent particulièrement isolées depuis que leur conjoint a été condamné. Il faut néanmoins faire attention aux arnaques sur ces réseaux sociaux

La vie après la prison difficilement vécue par les femmes de détenus

Si un homme condamné à la prison finit par être libérable et libéré, les femmes de détenus, elles, restent des femmes de détenus parfois plusieurs années après que leur conjoint ait quitté leur établissement pénitentiaire. La vie après la prison n’est pas de tout repos et les séquelles du choc carcéral, elles, sont parfois irréversibles.

Se familiariser à nouveau avec la vie de couple lorsqu’un conjoint sort de prison

Pendant parfois plusieurs années, voire décennies, les femmes de détenus évoluent seules dans leur quotidien et la sortie d’un conjoint de prison peut être difficile à vivre. Se familiariser à nouveau avec la vie de couple lorsqu’on est habituée à vivre de manière indépendante peut être difficile. Malgré la joie de voir quitter la prison, ces femmes doivent réapprendre à vivre à deux et cela n’est pas toujours facile.

La crainte de la récidive subie par les femmes de détenus

« Pendant longtemps après que Karim soit sorti de prison, j’ai fait des cauchemars dans lesquels la police venait de nouveau casser la porte d’entrée ». Après avoir vu leur conjoint être écroué, les femmes de détenus sont nombreuses à craindre la récidive. Elles se montrent parfois méfiantes envers leurs maris, épient leurs activités et tentent tant bien que mal de se protéger d’une nouvelle incarcération. Malgré la fin d’une période détention, cette peur a tendance à rester durant plusieurs années.

Des femmes de détenus qui font face aux troubles psychologiques de leur conjoint

Après avoir passé plusieurs années en prison, ceux que les femmes de détenus attendent patiemment ne sont plus toujours les mêmes. Rose a vu son époux François changer après avoir passé 12 ans dans un quartier de haute sécurité. « Depuis sa sortie, François ne dort plus. Il a tendance à s’énerver d’un rien et a développé des troubles obsessionnels du comportement. Malgré le fait qu’il soit suivi, je ne reconnais plus mon mari ».

La prison laisse des séquelles sur la santé mentale de certains hommes et les femmes de détenus, elles, continuent de se battre par amour pour un conjoint soutenu tout au long de cette peine.

Pour préserver l’anonymat des femmes de détenus, les prénoms ont volontairement été modifiés.

femme de prisonnier triste

Questions les plus fréquentes au sujet des femmes de détenus

Les femmes de détenus peuvent accéder à des parloirs intimes ou UVF (unité de vie familiale). Après avoir obtenu l’accord du JAP et lorsque la personne condamnée visitée y est éligible, elles peuvent saisir ces dispositifs pour bénéficier de davantage de temps et d’intimité avec leur partenaire écroué.

Si le gouvernement ne prévoit pas de prestations sociales dédiées aux femmes de détenus, ces dernières, de par leur changement de situation, peuvent parfois voir le montant de leurs droits être majoré. Aussi, l’ASF (allocation de soutien familial), peut prendre en charge les pensions alimentaires non versées par un père de famille qui est incarcéré. Pour bénéficier de davantage de droits et d’aides personnalisées, il est conseillé aux femmes de détenus de se rapprocher d’une assistante sociale. 

Les femmes de détenus dont le conjoint est en prison doivent se rendre régulièrement aux parloirs, et ce, même lorsque l’établissement pénitentiaire de leur époux se situe à distance de leur lieu de résidence, assurer seules les frais liés à l’éducation des enfants et au paiement du loyer, envoyer de l’argent à leur conjoint écroué lorsqu’il ne travaille pas et n’est pas en capacité de cantiner. Elles doivent aussi assurer la gestion du linge sale de leur partenaire, se montrer positives et taire les difficultés vécues à l’extérieur. Elles subissent le regard des autres et l’autorité des surveillants pénitentiaires et doivent se montrer patientes jusqu’à la sortie de leur conjoint détenu.

Les femmes de détenus se heurtent à de multiples difficultés pendant la durée de la condamnation de leur conjoint. Les problèmes d’ordre financier, les soucis de transport pour visiter un époux incarcéré à distance du lieu de résidence, l’éducation des enfants désormais assurée seule et les sacrifices pour offrir une détention plus confortable à l’être aimé sont autant d’épreuves qui doivent être affrontées seules, notamment lorsque la famille et les proches sont dans l’incompréhension.