Surmonter l’incarcération d’un proche
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- Date de dernière mise à jour : 7 novembre 2024
Le 4 mai 2010, la vie de la famille B. bascule. Après plusieurs jours aux assises, le juge a rendu son verdict. Redouane, le fils aîné, est condamné à purger une peine de 8 ans de prison pour braquage avec usage d’armes de guerre. C’est à partir de là que tout s’enchaîne pour lui comme pour ses proches qui, malgré eux, vont être confrontés à 10 années de galère. Comment ont-ils chacun surmonté cette épreuve ? Comment ont-ils survécu à l’incarcération d’un fils, d’un frère ?
Grand frère : un poste à hautes responsabilités
Redouane est l’aîné d’une fratrie de 4 frères et sœurs. Il est aussi le chef d’une famille qui trouve à sa tête Mounia, femme forte qui élève seule ses enfants depuis que son mari a subitement déserté son rôle de père. 20 ans plus tard, Mounia l’admet sans filtres, elle s’est beaucoup reposée sur Redouane à qui elle confiait des tâches qui n’étaient pas forcément adaptées à un jeune adolescent. Sévir auprès de ses jeunes frères et sœurs lorsqu’ils s’écartaient du droit chemin par exemple.
Quand la délinquance fait vivre une famille privée de père
Pour soulager sa mère qu’il voyait sans cesse courir après l’argent, Redouane s’est rapidement rapproché du milieu. À ce jeune homme qui a cessé trop tôt de fréquenter l’école, les grands confiaient quelques missions, comme transporter des armes d’un point A à un point B, livrer de la drogue ou encore commettre quelques cambriolages.
Braquage et procès d’assises
Appréhendé par la justice à plusieurs reprises sans conséquences grâce à son jeune âge, ce n’est qu’au cours de l’année 2009 que Redouane est invité à participer à son tout premier casse. Il n’a que 18 ans et il s’agira également du dernier. S’ensuivront 8 années de prison à la fin desquelles, ses proches ne seront plus jamais les mêmes.
2010 – Après la sentence
Aux assises, ce jour-là, Redouane n’en mène pas large. Pour autant, il n’oublie pas les principes du milieu. « Prends tout sur tes épaules, ne dévoile aucun nom et surtout, garde en tête que depuis la prison, tu ne pourras plus protéger ta famille ». Malgré le fait qu’il soit conscient que sa condamnation n’en sera que plus lourde, Redouane garde le silence. Quand la sentence tombe, quand la justice annonce clairement les 8 ans requis contre lui, il ne peut s’empêcher de jeter un œil à sa mère, qui s’écroule au milieu du tribunal. C’est là, c’est maintenant, que l’enfer commence.
Le samedi, c’est parloir
Tous les samedis, c’est la même histoire. Dans la petite Clio familiale, les deux frères de Redouane, sa sœur et Mounia se hâtent de prendre la route pour lui rendre visite au parloir. Incarcéré à la Talaudière en attendant son transfert vers un établissement pénitentiaire pour longues peines, il peut encore être visité chaque semaine par ses proches qui vivent à proximité.
Pendant le trajet, le fils aîné, Mourad, est prié d’appuyer sur l’accélérateur. Le coffre est rempli de vêtements propres, neufs et dernier cri pour réconforter Redouane privé de liberté. Mais à la maison, le frigo demeure désespérément vide depuis que les petits larcins du détenu ne l’alimentent plus.
De l’argent sale pour cantiner
Car en plus de devoir gâter Redouane, Mounia doit chaque semaine lui virer de l’argent afin qu’il puisse cantiner. Sans son aide, son pauvre fils n’aurait pas accès à ses cigarettes ni à des aliments de qualité. À chaque parloir, il se plaint d’ailleurs de la gamelle, de la pauvre quantité des plats acheminés vers sa cellule, mais rassure toutefois ses proches : ici, il est bien vu, car il n’a pas parlé à la justice. Si le samedi, Redouane reçoit sa maman et sa sœur lors d’un premier parloir, ses deux frères eux, le rencontrent ensuite.
C’est ainsi que Redouane les guident, mois après mois, sur le chemin qui leur permettra non seulement de remplir le frigo à sa place, mais surtout de générer assez d’argent sale pour lui permettre de cantiner.
Double peine pour la famille B.
Elyes a toujours vu d’un mauvais œil les magouilles de son grand frère. Il s’est rapidement éloigné des parloirs, du chemin tout tracé prévu par Redouane et de sa famille, en prétextant devoir aller travailler à Paris. Mourad lui, est fiable. Élevé par l’aîné à qui il doit tout, il prend rapidement la décision de gérer les affaires de son frère depuis l’extérieur.
Branché en permanence avec celui qui est aussi son meilleur ami et qui lui manque terriblement grâce à un smartphone passé au parloir, il passe désormais ses journées à distribuer de la drogue, à réclamer son dû aux toxicomanes endettés et à élaborer de nouvelles manières de faire de l’argent avec son frère et ses proches peu recommandables.
Le frigo est de nouveau rempli, les loyers sont payés et Redouane peut cantiner grâce à l’argent sale envoyé par son frère. Mounia s’inquiète, mais n’a plus la force de pleurer puisqu’elle est désormais assommée par les médicaments. Le seul jour de la semaine où elle semble en vie, c’est le samedi. Jour où elle tient à s’apprêter pour visiter son fils.
Deux frères en prison
Au fil des mois, le manège des deux frères dont les téléphones sont surveillés par l’administration pénitentiaire et la justice est détecté. Après avoir cumulé assez de preuves contre Mourad, les autorités l’appréhendent un soir de juillet. Il est placé en garde à vue, prié d’expliquer la provenance de l’argent envoyé à son frère, déposé sur le compte en banque de la mère, puis l’inévitable se produit. Mourad est incarcéré à la maison d’arrêt de la Talaudière à Saint-Étienne, lui aussi.
Des années plus tard, il dira que c’était un mal nécessaire, car il ne supportait plus de vivre sans son frère. Redouane, lui, culpabilise. Parce qu’il sait que cette double peine va forcément impacter le quotidien de sa mère et de sa sœur, qui elles, sont désormais seules à l’extérieur.
La honte et la haine
À peine remise de l’annonce du placement en détention de son fils aîné, Mounia apprend que son petit dernier, lui aussi, est entre les mains de la justice. Effondrée, elle s’enfonce encore plus dans la dépression, vit dans le noir, prends des médicaments, toujours plus de médicaments et laisse la petite Sonia livrée à elle-même. Sonia a 13 ans, en pleine adolescence, elle passe depuis plusieurs années déjà tous ses samedis au parloir.
Choquée depuis l’annonce du placement en détention du frère avec lequel elle était si proche, elle s’enferme dans un mutisme et refuse de parler. Alors les semaines se succèdent, sans qu’elle ne puisse prononcer un mot. Présente en apparence, mais loin de tout, elle s’éloigne peu à peu des siens, mais se rapproche d’un milieu dangereux.
La drogue apaise sa douleur, lui fait oublier que sa mère n’est plus là. Puis privée de ses frères, elle apprivoise aussi la liberté. Lorsqu’ils étaient dehors, ces derniers lui interdisaient tout signe de féminité. Sonia plaît, Sonia sort, Sonia boit, se drogue, mais la honte et la haine ne s’effacent pas.
Survivre à l’incarcération d’un proche en famille
Après une année d’incarcération, Mourad quitte enfin la Talaudière. Le cœur serré. Car il sait que partir, c’est être de nouveau privé de Redouane et cette fois-ci pendant 6 années. Au moment d’être libéré, il retarde le moment de fuir les coursives et de laisser son aîné seul. C’est à coup de pied au derrière que son grand frère le fera se hâter, non sans lui faire promettre de ne plus jamais revenir.
Désormais, la famille B n’est non pas au complet, mais quelque peu rassemblée. Mourad sorti, il reprend en main la situation malgré le fait qu’il ne soit lui-même pas tout à fait remis de sa période de détention. Pour être en mesure d’aider son frère et sa mère financièrement, il rejoint un travail de nuit à l’usine. Plus présent pour sa sœur, il se rend rapidement compte que son comportement a changé et réussit à l’apprivoiser. Sonia parle à nouveau, mais continue ses excès en cachette de son grand frère.
2018 – Après la prison, c’est encore la prison
Les 8 années de prison ont fini par passer. Les semaines se sont enchaînées, la famille B n’a jamais fui ni dérogé à ses engagements. Les parloirs, les virements, les attentions et les cadeaux n’ont pas manqué à Redouane au cours de son incarcération. Une fois sorti, il décide de s’installer avec son jeune frère pour rattraper le temps perdu.
Désormais, Redouane est adulte et conscient que ses jeunes années sont derrière lui. Les sorties en boîte de nuit, les petites amies, les vacances entre amis sont tant d’expériences qu’il n’aura jamais. Il doit réapprendre les codes, réapprendre la vie, trouver un emploi. Sauf qu’au grand dam de sa famille, depuis sa sortie, il reste enfermé dans sa chambre. Sa nouvelle cellule : « Après la prison, c’est encore la prison, parce que les barreaux sont dans ma tête ».
Lorsqu’on interroge Redouane au sujet de son expérience, il évoque les victimes avec beaucoup de respect, les personnes qui se tenaient au guichet de la banque, que tout jeune, il braquait. Il parle de sa famille, qu’il a vue détruite qu’il voit encore aujourd’hui épuisée puis il parle du sacrifice de son frère. Il ne se plaint pas, il rit même volontiers de quelques histoires et amitiés nouées en détention.
Peu à peu, il apprivoise la liberté, grâce au soutien sans failles de son frère et se tient désormais à mille lieues de ceux qui l’ont mené à sa perte. Mais Redouane a grandi en prison, et chaque nuit, les bruits des verrous de sa cellule, l’écho des coursives et le souvenir de la cour de promenade se rappellent à lui.
2024- La peur de la récidive
Dès qu’elle reçoit un courrier de l’administration, Mounia tremble. Dès que son fils commet un excès de vitesse, elle a peur. La police, le tribunal, la justice sont pour elle des termes qu’elle souhaiterait oublier. En tant que mère poule, Mounia a peur de la récidive. De Redouane, de Mounir… elle a peur aussi qu’un jour on s’en prenne à sa fille.
Alors elle veille à ce que personne ne fasse un pas de travers. Tous les jours, elle appelle les uns et les autres, elle questionne, elle contrôle. Si ses enfants rient de son comportement, car ils comprennent la peine qu’ils ont pu lui causer, ils ne peuvent parfois s’empêcher de l’engueuler. C’est alors Sonia, envoyée par sa mère, qui veille sur ses frères, mission qu’elle mène avec brio pour protéger les siens.
Les séquelles de l’incarcération de Redouane, puis de celle de Mourad se font encore ressentir. La prison, les deux femmes ne la connaissent que trop. Désormais, elles préfèrent se montrer trop suspicieuses que d’être à nouveau, elles aussi, condamnées à l’attente.
Sources : témoignage des membres de la famille B.
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Questions courantes au sujet de comment surmonter l’incarcération d’un proche
Comment surmonter l’incarcération d’un proche ?
Lorsqu’on pose la question à Mounia, elle n’a pas la réponse. Elle se contente de dire qu’on survit à toutes les épreuves que l’on peut supporter, et que Dieu éprouve ceux qu’il aime. Sonia, elle, dit qu’il faut se montrer patient. Que seul le temps joue en notre faveur lorsqu’il s’agit de la prison. Qu’il faut patienter et attendre la libération, pour pouvoir enfin ne plus vivre avec les contraintes de la détention. Se dire que le proche écroué est encore là, malgré qu’il soit enfermé, que la situation n’est que provisoire, mais qu’il ne s’agit en aucun cas d’un deuil.
Comment surmonter le regard des gens sur les actes d’un proche incarcéré ?
Lorsqu’un fils tombe en prison ou qu’un grand frère commet un crime, il peut être difficile de vivre avec le regard des autres. S’il peut parfois être pesant, il faut se rappeler que certaines personnes peuvent se montrer compréhensives, nous comprendre et nous aider et éviter ceux qui jugent. Après tout, le proche condamné a déjà été jugé.
Comment surmonter les problèmes financiers lorsqu’un proche est en prison ?
Quand un membre de la famille entre en prison, les dépenses sont deux fois plus lourdes. Il faut non seulement continuer à payer seul le loyer, les courses et les factures, mais en plus envoyer de l’argent au détenu. Pour éviter de plonger dans le surendettement, demander de l’aide à la famille est important. Se cotiser chaque mois pour alimenter le pécule d’un détenu est une solution à envisager pour éviter davantage de problèmes financiers.
Comment surmonter l’incarcération d’un proche condamné à une longue peine ?
Apprendre qu’un proche sera incarcéré pour plusieurs années voire 10 ou 20 ans est une épreuve douloureuse. Les parents, frères et sœurs, conjoints et enfants peuvent parfois ressentir un certain vertige à l’annonce d’une longue peine de prison. Surmonter cette épreuve est une obligation pour la famille. Là encore, il convient de s’armer de patience, se rendre le plus fréquemment possible au parloir pour maintenir les liens familiaux et attendre avec espoir la libération.