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Prisons françaises : le terreau fertile de l’addiction aux drogues ?

drogues en prison les chiffres

Une récente enquête menée par l’observatoire français des drogues et des tendances addictives révèle des données inquiétantes au sujet de la consommation de stupéfiants en prison. Pendant une période de détention, nombreux sont ceux qui sombrent dans l’addiction. Si le cannabis est fumé quotidiennement par 1 détenu sur 4, les drogues dures sont aussi présentes dans les établissements pénitentiaires. Lumière sur les produits qui circulent dans les coursives de nos prisons.

Alcool, cannabis, cocaïne et héroïne en libre-service dans les prisons françaises

Malgré l’enfermement et les nombreuses fouilles qui ont lieu dans les prisons françaises, les détenus parviennent plus que jamais à se procurer et à consommer de la drogue dans leurs cellules. Selon les résultats inquiétants d’une récente enquête menée par l’observatoire français des drogues et des tendances addictives, les personnes écrouées seraient près de 80 % à avoir déjà consommé au moins une fois des stupéfiants ou du tabac durant leur période de détention.

niveaux d'usage de substances psychoactives chez les détenus
Source : ESSPRI 2023 – OFDT – Télécharger le rapport complet

Dans les coursives des établissements pénitentiaires, les cigarettes, l’alcool et le cannabis sont les plus prisés, tandis que les drogues viennent elles aussi alimenter les addictions de ceux qui attendent patiemment le moment de la libération.

Se procurer du cannabis est plus facile que d’acheter de l’alcool en prison

Il faut dire qu’il est particulièrement aisé de se procurer du cannabis lorsqu’on est en détention. Dans les établissements pénitentiaires français, acheter du shit et de la beuh est même plus aisé que d’obtenir de l’alcool.

Divisé en petite quantité pour être moins repérable, le cannabis peut facilement être apporté par des proches au parloir, par des surveillants rémunérés par les détenus ou même par drones. En revanche, l’alcool, conditionné dans des bouteilles en verre, est plus difficile à acheminer dans les prisons et par conséquent coûte plus cher.

Des trafics organisés dans les coursives des établissements pénitentiaires

Pour lutter contre la précarité carcérale, certains surfent d’ailleurs sur la tendance de la consommation de cannabis et de drogues dures et organisent de véritables trafics. Dans les coursives ou dans la cour de promenade, les détenus peuvent rapidement, grâce au bouche-à-oreille, trouver à qui s’adresser pour acheter quelques grammes de shit, de cocaïne, mais aussi d’héroïne, de crack et d’ecstasy.

1 détenu sur 4 consomme quotidiennement du cannabis 

En prison, 1 détenu sur 4 consommerait quotidiennement du cannabis, soit 26 % de ceux qui sont placés en détention. Ces chiffres inquiétants indiquent clairement que la population carcérale est 8 fois plus concernée par une addiction aux stupéfiants que celle qui se trouve à l’extérieur de la prison. Lorsque ces derniers sont interrogés au sujet de leur consommation de drogues, ils expliquent que celle-ci est indispensable pour lutter contre les effets néfastes de l’univers carcéral.

Des détenus qui consomment des stupéfiants pour oublier l’enfermement  

En effet, la raison de la surconsommation de drogues en prison est due en partie grâce aux facilités qu’ont les détenus à s’en procurer, mais aussi au fait que la détention est souvent difficilement vécue par ceux qui sont enfermés. Pour calmer leurs nerfs, s’endormir ou tout simplement s’amuser, les personnes écrouées cèdent à la tentation de se rouler un joint, parfois partagé avec leur co-détenu.

Une augmentation considérable de la consommation de cannabis pendant la détention

Selon le rapport rendu par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives, la période de détention donne lieu à une augmentation considérable de la consommation de cannabis. En effet, si 8 % des détenus consommaient quotidiennement cette drogue à l’extérieur, le taux grimpe à 59 % une fois ces derniers entrés en prison.

Ces chiffres dévoilent notamment que ceux qui faisaient usage du cannabis une à plusieurs fois par semaine à l’extérieur, cèdent rapidement à l’addiction une fois entrés en prison, notamment grâce aux facilités qu’ils ont à s’en procurer. Certains, ayant réussi à arrêter de se droguer, replongent aussi après avoir été admis dans un établissement pénitentiaire.

Les drogues dures, de plus en plus présentes dans les prisons françaises

Si l’on évoque volontiers le cannabis pour sa présence qui n’est désormais plus taboue en cellule, les drogues dures, elles, sont souvent oubliées. Pourtant, on trouve de plus en plus fréquemment des détenus qui consomment de la cocaïne, du crack, de l’ecstasy et même de l’héroïne en prison.

Acheminées vers les cellules de la même manière que le cannabis, la circulation de ces drogues extrêmement nocives met en danger la population carcérale, déjà vulnérable.  

niveaux des différents types de polyconsommations chez les détenus
Source : ESSPRI 2023 – OFDT

13 % des détenus ont déjà consommé de la cocaïne en prison

Prisées pour leurs effets excitants et pour leurs capacités à donner l’impression aux détenus de s’évader un court instant, les drogues dures sont de plus en plus sollicitées en prison et 13 % des personnes incarcérées interrogées attestent avoir déjà consommé de la cocaïne au sein de leur établissement pénitentiaire. 6,2 % ont pu accéder à du crack, 5,4 % à de l’ecstasy et 5,1 % à de l’héroïne.

L’addiction à de tels stupéfiants ajoute un risque supplémentaire pour la santé des détenus, car ces derniers nécessitent parfois l’usage de seringues. Le partage de ces dernières accroît le nombre de personnes atteintes du sida et d’autres maladies transmissibles par voie sanguine.

cocaine

Les prisons françaises sont-elles le terreau fertile de l’addiction aux drogues ?

Malgré une mise en lumière de la présence de drogues douces et dures au sein des prisons françaises, la détention n’est pas pour autant propice à l’addiction aux drogues. En effet, selon le rapport de l’enquête menée par l’OFDT, seuls 4 % des détenus interrogés auraient commencé à se droguer derrière les murs de leurs établissements pénitentiaires.

Des détenus déjà habitués à consommer des stupéfiants avant la détention

La majeure partie des consommateurs de stupéfiants en prison seraient donc des habitués de l’usage de drogues et leur placement en détention n’aurait fait qu’accentuer leur addiction. Pour en savoir davantage sur les habitudes de consommation de drogues en milieu carcéral, l’enquête devrait être élargie aux établissements pénitentiaires pour femmes dans les mois à venir. Elles aussi ont tendance à consommer tabac et cannabis pendant la durée de leur peine. 

Très peu d’initiations aux drogues dans les cellules des établissements pénitentiaires

Comme vu ci-dessus, les initiations aux drogues ne se font que très rarement en cellule. Par ailleurs, ceux qui cèdent à la tentation du cannabis, de la cocaïne et des autres drogues dures sont généralement habitués à consommer de manière régulière ou occasionnelle des stupéfiants à l’extérieur.

sachet de cocaine

Comment l’État lutte-t-il contre la présence de drogues en prison ?

Conscientes des enjeux de santé publique que représentent la présence et la consommation de drogues dans les prisons françaises, les autorités ont mis en place quelques moyens de contrôle supplémentaires pour tenter de limiter le trafic de stupéfiants en prison.

Des opérations cellules nettes vantées par le ministre de la Justice

Le ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti à par ailleurs vanté à plusieurs reprises les mérites des opérations « cellules nettes » qui ont donné lieu à de nombreuses saisies. En 2022, 18 187 saisies de stupéfiants avaient eu lieu et 95 % concernaient du cannabis.

Des brouilleurs ont également été installés dans les prisons pour réduire le nombre de drones qui transitent aux alentours des établissements pénitentiaires dans l’objectif d’introduire de la drogue et des objets interdits en cellule.

Davantage de vigilance aux parloirs des établissements pénitentiaires

Aussi, les surveillants se montrent encore davantage vigilants au moment d’accueillir les familles de détenus aux parloirs. Les personnes écrouées sont régulièrement fouillées après la visite de leurs proches tandis que ceux qui sont pris en flagrant délit en train d’apporter des stupéfiants se voient automatiquement sanctionnés par le retrait de leur permis de visite.

Sources : Enquête ESSPRI, Communiqué de presse de l’OFDT, Le Monde.fr.