Comme chaque année, les chiffres de la surpopulation carcérale ont encore augmenté. Au 1er septembre, on relevait 79 000 personnes placées dans des établissements pénitentiaires français, conçus pour en accueillir 62 000. La situation est source de tensions entre le personnel et les détenus et dégrade considérablement les conditions de détention de ceux qui sont incarcérés. Insalubrité, cafards, punaises de lit, l’enfer des détenus se raconte grâce aux témoignages recueillis par l’OIP.
3 600 personnes incarcérées contraintes de dormir à même le sol
Aujourd’hui, 3 600 personnes condamnées à une peine de prison sur notre territoire dorment à même le sol, dans une cellule de 9 m2 partagée à trois. Selon les chiffres délivrés récemment par l’Observatoire international des prisons, les taux d’occupation des établissements pénitentiaires atteignent des sommets inégalés.
Si les prévenus, qui attendent leur jugement, souffrent davantage de la surpopulation carcérale qui sévit principalement en maison d’arrêt, les personnes condamnées sont elles aussi contraintes de voir leurs conditions de détention évoluer et devenir peu à peu inhumaines.
Les établissements pénitentiaires les plus vétustes en proie à l’insalubrité
Au 1er septembre dernier, les maisons d’arrêt étaient occupées en moyenne à 154 % de leur capacité d’accueil initiale. Ces chiffres édifiants ne sont pourtant pas si élevés en comparaison de ceux relatifs aux maisons d’arrêt de Bayonne, de Tulle, de Limoges et de Rochefort, qui elles, sont occupées à plus de 200 % de leurs capacités.
Particulièrement vétustes, car construits il y a parfois plusieurs centaines d’années, ces établissements pénitentiaires sont le cauchemar des arrivants qui, surpris par le manque d’humanité, vont parfois jusqu’à contacter la ligne téléphonique de l’OIP pour leur faire part des conditions de détention terrible auxquelles ils sont confrontés.
Des témoignages édifiants des détenus dénoncés par l’OIP
Récemment, un nouvel arrivant incarcéré à Limoges a par ailleurs exprimé son désir de fuir lorsqu’il a constaté l’état de la cellule à laquelle il était assigné. Fraîchement incendiée par son précédent occupant, celle-ci n’avait pas été remise en l’état après l’incident.
Le manque d’intimité, notamment lorsque les toilettes ne sont séparées par aucune cloison et qu’il est donc obligatoire de faire ses besoins devant ses codétenus, est également un fléau qui sévit bien trop souvent encore dans les prisons françaises.
Cafards, punaises de lit, l’enfer continue dans les prisons françaises
En plus d’être beaucoup trop nombreux à évoluer, la majeure partie de la journée dans moins de 10 m2, les détenus incarcérés dans ces maisons d’arrêt vétustes dénoncent l’insalubrité des lieux, mais également des infestations non traitées.
Par incapacité de transférer les personnes écrouées dans d’autres cellules, le personnel ne peut pas se permettre de mettre un terme à la prolifération de cafards et de punaises de lit qui sévit dans les différents quartiers des établissements pénitentiaires.
Les détenus mineurs et le personnel pénitentiaire confrontés aux nuisibles
Et les nuisibles n’épargnent personne. Les mineurs incarcérés au sein de quartiers spécifiques sont aussi touchés que les détenus du quartier home à la prison de Limoges.
Le personnel pénitentiaire, lui aussi, est confronté aux diverses infestations et doit redoubler de vigilance pour ne pas rapporter de puces de lit ou de cafards à la maison, car l’administration ne prévoit aucun aménagement ni dispositif spécifique pour assurer sa protection.
225 postes vacants boudés par les surveillants pénitentiaires
En plus d’être surpeuplées, investies par les cafards et complètement insalubres, les prisons occupées à plus de 200 % sont confrontées à une pénurie de surveillants pénitentiaires. Quelque 225 postes restent gravement vacants, notamment parce que les conditions de travail de ces agents se dégradent de plus en plus au fil des années.
Les droits des prisonniers impactés par les lacunes du système carcéral
Et ce sont une fois le plus les droits des détenus qui pâtissent du fait que le système carcéral de notre pays soit déviant. Peu à peu, les personnes écrouées qui dorment à même le sol aux côtés d’insectes qui prolifèrent perdent leurs droits fondamentaux et voient leurs conditions de détention se déshumaniser totalement.
Des parloirs annulés faute de gardiens pour accompagner les détenus
Le droit de visite des détenus est fondamental pour assurer le maintien de leurs liens familiaux, prévoir leur réinsertion, mais surtout pour quitter momentanément une cellule où règne la proximité et parfois la violence au profit d’un doux moment en famille.
Or, les établissements pénitentiaires les plus surpeuplés qui ne disposent pas de l’effectif nécessaire pour assurer la gestion des visites des proches de détenus en viennent parfois à annuler au dernier moment les parloirs réservés.
L’accès aux activités en lien avec la réinsertion des personnes condamnées compromit
En prison, des activités en lien avec la réinsertion des détenus permettent à ces derniers de voir leurs journées passer plus vite. Y participer c’est là encore une occasion de quitter la petite cellule au sein de laquelle ils passent la majeure partie de leurs journées.
Dans les prisons les plus touchées par la surpopulation carcérale, de telles activités sont suspendues, là encore, à cause du manque de surveillants pour assurer la sécurité et le transfert de chacun.
Les rendez-vous médicaux reportés à cause du manque d’effectifs
Pire encore, les rendez-vous médicaux des détenus, qui attendent parfois déjà depuis plusieurs années pour consulter un spécialiste, sont eux aussi annulés ou reportés.
Dans l’incapacité de mener les personnes écrouées de leur cellule au quartier réservé aux soins de santé, les surveillants prennent parfois la décision de reporter l’entretien, au risque d’impacter directement l’état des patients incarcérés.
Les conséquences de la surpopulation carcérale de plus en plus lourdes
En délivrant les chiffres toujours plus élevés relatifs à l’occupation des prisons et les témoignages de ceux qui y vivent un enfer depuis l’intérieur, l’OIP identifie clairement les conséquences que la surpopulation carcérale engendre dans les maisons d’arrêt. De plus en plus lourdes, elles impactent l’avenir des détenus, mais aussi celui du personnel.
Des surveillants constamment agressés par les détenus privés de droit
Souvent contraints de faire des heures supplémentaires pour combler le manque d’effectifs, les surveillants subissent en prime de plein fouet les agressions des détenus qui sont à cran. Le personnel se sent particulièrement isolé au sein des prisons, et les syndicats alertent sans cesse le gouvernement de conditions de travail dégradées par la surpopulation.
Des conditions de détention indignes pour les personnes écrouées
Les conséquences impactent directement le quotidien de ceux qui évoluent dans des locaux insalubres qui ne répondent pas à leurs besoins. Les peintures cloquent et s’écaillent, les parasites prolifèrent et piquent les détenus, les sols humides dégradent les matelas de fortune et les loisirs octroyés à ceux qui attendent la libération sont suspendus.
Des conditions sanitaires qui se dégradent au fil des années
L’accès aux douches est également de plus en plus rare dans les établissements où le manque de personnel ne permet pas d’acheminer les détenus de manière sécurisée vers les sanitaires. Là où les personnes incarcérées ne disposent pas de moyens de se laver en cellule, on compte les jours avant le moment où il sera enfin possible d’accéder à la douche de la prison.
Des solutions insuffisantes évoquées par l’État
Au vent de la situation, mais trop éloigné de la réalité pour imaginer les conditions dans lesquelles évoluent détenus et surveillants, l’État envisage tout de même certains aménagements dans les années à venir. Les syndicats et organisations trouvent toutefois ces derniers insuffisants au regard de la fréquence des incarcérations.
15 000 places supplémentaires dans les prisons d’ici 2027
Le gouvernement prévoit d’ici 2027 un plan qui devrait permettre de créer quelque 15 000 places supplémentaires dans les établissements pénitentiaires. Cela porterait la capacité des prisons à 78 000 places, nombre toujours insuffisant pour assurer à chacun l’espace suffisant pour des conditions de détention enfin dignes.
Plus de TIG pour limiter le nombre d’incarcérations
Récemment, le Premier ministre Michel Barnier s’est également exprimé sur le sujet. Selon lui, il faudrait à l’avenir recourir davantage aux travaux d’intérêt général pour limiter le nombre d’incarcérations et libérer par conséquent des places en prison.
À l’heure où les aménagements de peine et l’interdiction d’incarcérer les personnes condamnées pour moins d’un mois sont en largement prisés et respectés par les magistrats, cette mesure devrait, elle aussi, s’avérer insuffisante.
Source : france3-regions.francetvinfo.fr